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Voici quatre histoires inspirées chacune par l’un des points cardinaux et hantées par la violence, qui aliène ou libère.


Errances


L'Ouest.

Extrait:

Quelques mètres en dessous de la cabane, cernées par une petite barrière vermoulue, il distingua deux croix qui émergeaient de la végétation. D’un doux mouvement des rênes, il dirigea Peyotl vers les tombes. Il lut des noms, à peine lisibles - Clyde et Leigh Dawson - discerna les dates avec peine. 1828 - 1852 et 1829 - 1852. Presque trente ans qu’ils étaient morts. Et morts jeunes. Cela n’avait sûrement rien d’un accident. Un relent amer monta dans sa gorge.
Durant un bref instant de relatif recueillement, il imagina ce couple, redonna vie et chaleur à ce lieu sinistre. Etaient-ce des trappeurs? Ou des fermiers qui avaient voulu s’implanter dans un site reculé en espérant faire figure de pionniers? Il y avait encore tant de terrain vierge, en Amérique. Ses interrogations s’arrêtèrent là. Très vite, des images violentes zébrèrent son esprit. Il crut voir une bande de pilleurs, entendre des Winchester cracher leurs balles mortelles. Des cris de femme résonnèrent à l’intérieur de son crâne; il ferma les paupières sur des images insoutenables. Des coups, du sang, des vêtements déchirés, arrachés. Il aurait voulu oublier que ça existait. Dans ce monde régi par la brutalité des hommes, les femmes faisaient figure de saintes. Elles enduraient les pires épreuves, supportaient des existences de labeur sans broncher, éduquaient des kyrielles d’enfants, tandis que leurs maris convoyaient le bétail ou tentaient de faire régner la loi dans ce pays ingouvernable. Les femmes étaient les grandes perdantes de l’Ouest, celles qui engendraient les futurs chasseurs de primes et desperados. Dans ce monde-là, dans celui de Josh, elles n’y avaient pas leur place.

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Une Vie là-bas


L'Est.

Extrait:

- Pourquoi as-tu quitté le Tibet? demanda-t-il, insistant. Pourquoi as-tu renoncé au combat et à la justice, puisque tu aimes tant ce peuple?
Un pli amer déforma la bouche de Judson. L’ombre réapparut sur son visage, dure, ténébreuse. Les émotions refluèrent.
- J’ai laissé une vie là-bas, confessa-t-il, la voix un peu tremblante. J’avais fini par m’établir dans un village, par m’adapter aux coutumes et à l’existence presque ascétique de ces gens. Je me sentais chez moi. Je participais aux travaux des champs la journée, j’avais pratiquement abandonné les raids contre les divisions chinoises. J’étais en train d’assimiler qu’il fallait une véritable armée pour en venir à bout. Et puis, je m’étais lié à une femme. Les voix qui grondaient en moi s’apaisaient. Je me mettais à découvrir l’esprit du Tibet.
Son visage se décolora. Il fixa Léandre comme un animal, habité par des émotions primitives.
- Une absence de plusieurs jours pour descendre faire du troc dans une localité plus importante, avant que l’hiver n’empêche toute communication. Quelques hommes avec des yaks. Au retour... la désolation. Un village à moitié détruit, des ruines, des cadavres. Les Chinois étaient passés. Ils y avaient découvert des armes. A cause de moi, la population a payé. Ils ont fait sauter des maisons à la grenade. Ce jour-là, j’ai cru perdre tout ce que je possédais, tout ce qui faisait de moi un homme. Je me suis maudit devant ce corps que j’aimais. Et j’ai fait le serment de tuer tous les Chinois qui croiseraient mon chemin.

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Le dernière Frontière


Le Nord.

Extraits:

En regardant son ami, Malcolm ne pouvait s’empêcher de se souvenir. Des cris de bête écorchée vive qui tordaient ses tripes, un corps saisi de convulsions, des bouteilles d’alcool vides qui traînaient sur un lit... Tant d’images obscures, glauques. Mais ce qui revenait sans cesse, insistante, c’était cette lame brillant dans les feux de l’automne. Ce ballet de mort. Ces mouvements amples de danseur pour couper un visage, trancher une gorge. Ça, c’était gravé à jamais dans son esprit. Il l’emporterait avec lui au-delà des mondes et des dimensions.

(...)

Dwayne entraîna son ami à travers les arbres clairsemés vers l’étage de la toundra. La végétation se parait de magnifiques teintes automnales. Les buissons racornis viraient au rouge, au brun rubescent, les lichens et les mousses s’accordaient à ces tonalités enflammées. Les bouleaux se fardaient d’or. La symphonie des couleurs avec les monts enneigés à l’arrière-plan était un hymne à la nature. Sauvage, vide de toute trace humaine, le paysage était digne de la Création initiale. Une sorte d’Alpha et d’Omega, où tout pouvait commencer ou se terminer. Malcolm aima cette sensation primitive qui s’emparait de lui, cette impression de renaître, de revenir aux origines de ce qu’il était, débarrassé des tares de l’humanité. Devant cette harmonie, il comprit mieux pourquoi son ami s’était établi dans une région à la beauté si austère. On y respirait le parfum d’une liberté unique.
- C’est ensorcelant, remarqua-t-il à voix feutrée.
- C’est pour ça que je suis resté. Le nord capture l’âme.
Malcolm lui jeta un coup d’oeil furtif. La blessure était toujours là, comme une obscène balafre. En apparence, son ami avait l’air bien. Plus de teint cireux, de cernes prononcés, de regard embrumé par l’alcool, de mains qui tremblaient sur un verre. Mais son équilibre était ténu, extrêmement vulnérable. Il n’en avait pas seulement l’impression, il en était persuadé.
- Es-tu heureux? se risqua-t-il à demander.
- Je ne me suis pas posé cette question depuis des années, répondit Dwayne sans colère mais avec fermeté.
Il soupira.
- Mon fils aurait eu dix ans ce printemps.

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Le Marcheur du Temps


Le Sud-Ouest.

Extrait:

Un souffle chaud balaya la mesa, apaisant, libérateur. Il la traversa tel une main gigantesque. Ensuite, le froid de la nuit réapparut, réveillant Danforth.
Le vieil Indien s’était assis. Il semblait contempler la vastitude du désert qui se déroulait à ses pieds. Après un moment d’atermoiement, Danforth se risqua à le rejoindre, à pas feutrés. Il s’assit à ses côtés, replia ses genoux contre lui pour lutter contre le froid nocturne.
Longtemps, dans un silence paisible, ils admirèrent cette grande étendue de sable et de poussière. La clarté de la lune la rendait bleue. Le désert envoûtait quiconque le regardait. Cette terre était hantée par une histoire fascinante. Y vivre, c’était perpétuer le mythe. Danforth comprit devant ce paysage ténébreux que plus rien ne le ferait quitter cette région de chaleur martelée par les sabots de chevaux d’un autre temps.

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